Que représente le classement performance de la FFA pour les clubs français ?
Cédric Toublan : C’est important parce que ça couronne la saison et que c’est un bon indicateur du niveau des clubs. Dans l’aviron il y a beaucoup de catégories différentes, beaucoup de médailles à aller chercher, on peut s’y perdre donc pour les partenaires qui nous soutiennent et nous font confiance ça simplifie les choses. On savoure aussi le doublé avec la première place au classement para-aviron.
Au niveau du club c’est une grande fierté, pour les membres du bureau, pour Pedro Ferreira qui a eu la lourde tâche de reprendre la présidence après François Banton, pour les bénévoles (les coachs bénévoles, la commission matériel…). Ils entourent une équipe de salariés bien en place et fidèles au club. On peut parler d'une véritable synergie. Tous les compétiteurs, des plus jeunes aux plus anciens, participent à l’obtention de la première place. Après il ne faut pas tout miser sur le classement, c’est une motivation mais ça peut aussi être un cercle vicieux, on peut se pervertir à ne viser que le classement, il faut savoir l’oublier. Et puis on en parle pas souvent mais on est toujours en tête des clubs pour le plus grand nombre de kilomètres parcourus en randonnée (Trophée Randon'Aviron), preuve du dynamisme des loisirs. Un club c’est un tout, même si les pratiques sont parfois diamétralement opposées, nous faisons tous le même sport, avec en objectif le plaisir de la glisse.
Quand le club a décroché le titre en 2019, passée l'euphorie, la question du maintient s'est tout de suite posée. Le classement 2022 arrive comme un soulagement. Le parcours a été plus compliqué que prévu ?
Cédric : On n’a pas été aidés avec la pandémie, les bateaux longs annulés à Graveline en 2020… On n’a pas pu surfer sur la victoire de 2019, on n’a même pas eu vraiment l’occasion de la fêter (mais de ce côté là on va se rattraper, lol). Pendant ces deux années nos effectifs ont beaucoup évolué sans qu’on puisse se mesurer aux autres clubs. On se doutait qu’on serait bien placés pour l'emporter à l’issue des championnats de France Bateaux longs en juin mais on ne pouvait pas crier victoire tant que les Sprints n'étaient pas finis.
C'est toujours au championnat de France sénior bateaux longs que Boulogne 92 engrange le plus de points, en revanche les Sprints cette année ont moins bien marché. C'est difficile d'être bon dans les deux épreuves ?
Cédric : Je préfère privilégier les courses sur 2000m. On ne peut pas se préparer sur les deux distances en même temps. Les Sprints vont favoriser les équipages qui se connaissent bien et qui rament ensemble toute l’année. C’est pour ça que souvent on s’en sort mieux avec les bateaux mixtes qui sont constitués à la dernière minute. Comme tous les clubs en font autant, on part à égalité avec les autres et ce sont les qualités individuelles des rameurs qui font la différence. On arrive toujours à faire des médailles mais j’avoue que ça m’intéresse moins, je préfère faire ramer tout le monde pour la bonne ambiance que ça apporte au groupe et pour maintenir l’esprit d’équipe. Nos juniors, séniors et vétérans se mélangent à cette occasion pour partager les mêmes bateaux. C’est le point positif des Sprints.
Les différents groupes de compétiteurs ont beaucoup évolué depuis 2019, le groupe sénior homme s'est étoffé tant dis que certaines séniors femmes levaient le pied. La formation des plus jeunes a beaucoup progressé aussi. Tu peux nous faire un état des lieux ?
Cédric : Le phénomène est cyclique. Le groupe des séniors femmes a longtemps été moteur dans le club avec notamment une fille comme Chloé Poumailloux qui fédérait beaucoup autour d’elle, tant par ses qualités sportives qu'humaines. Elle a décidé cette saison de s’inscrire à Lyon dans la ville où elle habite depuis quelques années maintenant et c’était parfaitement compréhensible. D’autres filles ont quitté l’Île-de-France, même si certaines comme Lucie Giraud ou Laura Colson étaient avec nous pour les sprints. Julie Voirin est passée dans le staff des entraîneurs. Elle reste rameuse de club mais elle vient d'arrêter le haut niveau. En équipe de France ne reste plus qu’Aurélie Morizot. Aujourd’hui c’est le groupe des hommes dont l’effectif est le plus important, il s’est encore étoffé cette année. Dernièrement on a accueilli Mélio Claval qui vient de Corbeil ; il est en liste Espoirs. La tendance s’est inversée dans le club et reflète plus ce qu’il se passe à l’échelle nationale : il y a moins de femmes qui pratiquent au haut niveau que d’hommes. (1)
Du côté de notre école d’aviron, les minimes, les cadets, les juniors sont en constante amélioration. Les groupes s’étoffent et progressent au rythme du club quand même, notre formation marche et doit continuer à progresser sur certains axes, notamment la détection plus que sur le recrutement en lui même, on s’endort pas sur nos lauriers. Dans ces catégories, nos encadrants bénévoles sont un rouage essentiel, ils viennent épauler nos salariés, un lien intemporel pour les jeunes du club qui connaissent et respectent tous nos bénévoles.
Dans le groupe des séniors, ma plus grande fierté c'est la composition intergénérationnelle de nos équipages. Ils se font avec des athlètes de 17 à 50 ans et je crois que c'est notre force, les anciens prodiguent énormément aux plus jeunes, ils montrent l’exemple, partagent leurs valeurs. Nos bateaux médaillés et titrés ont toujours cette saveur là, d’avoir les grands frères aux côtés des jeunes pousses. Quand le sport collectif s’exprime autant à travers l’aviron, le boulot est réussi. D’ailleurs je voudrais dire un grand merci aux Dodo, Lolo, Bobby, Guigui, Baboune, Polo, Nuno, Stance, Val, Romain, Sig (2) et bien d’autres que j'oublie. Je ferai en sorte qu’ils rament le plus longtemps possible (lol). Et bien sûr Vincent (3) qui est le lien au quotidien de cette génération dorée du club, qui aiment simplement « la rame » et partager avec les plus jeunes. Cette année en fut la démonstration parfaite. A Vichy le quatre sans barreur poids léger qui gagne était composé de trois jeunes boulonnais formés au club (Maxime Broussart, Victor Fauger, Léo Coignard) et de Nuno, 40 ans, pour apporter son expérience. Le quatre barré de Dorian Mortelette titré aussi avec les trois jeunes pousses, Awen Thomas, Balthazar Chové et Nikolas Kolarevic qui aspirent peut être à avoir un jour les résultats et la carrière de Dorian. On peut ajouter le quatre sans barreur qui fait médaille de bronze avec Yvan, Valentin et les deux petits jeunes Victor Marcelot et Dusan Slavnic. Aux Sprints même chose, dans le quatre de couple mixte titré, entre Dorian et Maelys Dournaux la plus jeune il y avait 20 ans d’écart. Quel kiffe de voir le transfert de savoir !
Les filles ne sont pas en reste, au contraire. Cholé Poumailloux a ouvert la voie il y a 15 ans. Depuis on a toujours une ou plusieurs filles dans les collectifs nationaux juniors ou seniors : Julie Voirin, Aurélie Morizot maintenant, Maelys Dournaux qui pousse derrière. Les jeunes rameuses du club ne sont pas insensibles à leur parcours, elles les observent et tentent pour certaines de suivre leurs pas.
Dans nos têtes d’affiches il faut ajouter Victor Marcelot dans le groupe olympique, Stéphane Tardieu multiple médaillé qui est là depuis plus de 10 ans au haut niveau paralympique ainsi que Laurent Cadot qui après ses folles années dans les équipes olympiques françaises suivies par de gros problèmes de santé, fait son retour avec un projet paralympique.
Bien sûr je n’oublierai pas de mentionner la famille au sens large et multilingue de notre club. Je laisse parler depuis très longtemps les cancans de l’aviron français, ce que nous vivons nous au club avec nos « mercenaires » si sympathiques pourtant (lol) je le souhaite à tous. Stance, qui est serbe, en est l’incarnation même. Ils ont les couleurs orange et noire dans le sang comme les autres, n’en déplaise à certains. Merci à eux pour ces belles rencontres et cet engouement porté à chaque coup de pelle qu’ils bastonnent à nos côtés.
En deux ans il y a eu de grands bouleversements au niveau Fédéral : nouveau bureau, nouveau DTN, l'arrivée de Jurgen Grobler, etc. Ces changements ont-ils eu des répercutions au niveau du club ?
Cédric : Je suis fier qu’on ait une pointure comme Jurgen Grobler en France, j’ai plutôt envie de le voir réussir comme beaucoup d’ailleurs, une légende doit rester une légende. Les athlètes apprécient son travail et sa passion donc pour moi il doit être l’homme de la situation. Pour l’instant on ne voit pas vraiment de différences. Les programmes ont changé, il y a eu des efforts de faits pour regrouper les athlètes mais avant que les effets se fassent sentir, il faut encore du temps, c’est normal. Le problème c’est que les JO de Paris vont arriver très vite. On a une réunion de prévue à la FFA le 15 décembre, 25 clubs sont invités pour parler de tout ça justement.
Comment s'annonce 2023 ? Toujours aussi motivé ?
Cédric : C’est un éternel recommencement. A chaque début de saison on repart avec de nouvelles données. Un phénomène d’usure pourrait s’installer mais on a une bonne équipe de coachs. On peut se reposer les uns sur les autres si besoin. L’attachement au club nous tient aussi. La motivation ce sont surtout les rameurs qui me la fournissent, il suffit que je pense à eux, à leur énergie, il n’est pas question de les laisser tomber. J’adresse mes encouragements à tous et j’aimerais voir le club continuer à s’illustrer et grandir encore et toujours.
Propos recueillis par Valérie Delafosse
(1) Dans la liste ministérielle 2022 des sportifs de haut niveau nous avions Laurent Cadot (Sénior), Balthazar Chové (Relève), Mélio Claval (Espoirs), Maelys Dournaux (Collectifs nationaux), Christophe Lavigne (Collectifs nationaux), Victor Marcelot (Sénior), Aurélie Morizot (Relève), Bastien Quiqueret (Relève), Stéphane Tardieu (Sénior), Awen Thomas (Relève), Julie Voirin (Sénior), Victoria Zanelli (Espoirs). La liste 2023 sera publiée le 1er janvier.
(2) Dorian Mortelette, Laurent Cadot, Ivan Deslavière, Guillaume Courbois, Guillaume Raineau, Paul Bougon, Nuno Goncalves Coelho, Milos Stanojevic, Valentin Colson, Romain Beuret, Sigmund Verstraete.
(3) Vincent Faucheux